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Retour sur le meetup : Comment devenir un restaurateur engagé et responsable ?

Sophie Lecomte
5 décembre 2019
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Qui sont ces restaurateurs qui s’engagent ? Comment avoir un impact écologique, social et sociétal et se démarquer via des actions quotidiennes concrètes lorsque l’on tient un restaurant ou que l’on gère une franchise ?

Devenir un restaurateur engagé et responsable n’est pas forcément facile. Innovorder a invité 4 experts de la restauration qui ont décidé de relever le défi lors d’un meet-up gourmand qui s’est tenu chez nous, dans les locaux Innovorder.

C’est Justin Wanecq, Customer Success Director chez Innovorder, qui a officié comme maître de cérémonie. Au programme : une interview du Président du Club de la FranchiseYves Sassi,  suivie d’une table ronde réunissant Michael Cohen (directeur associé de Bagel Corner), Charles Cagnac (co-fondateur de Père & Fish) et Guillaume Beliard (Manager Grands Comptes chez Too Good To Go).

Introduction : les convives et clients ont de nouvelles attentes

Justin : Il y a de nouvelles attentes des convives et des clients. Aujourd’hui, ils veulent du bio, du local, du fait maison, ils aiment le storytelling qu’il y a derrière le produit – l’histoire de l’éleveur derrière le steak, etc. J’ai lu un chiffre intéressant : 60% des français seraient prêts à payer 3 euros de plus sur leur addition si le restaurateur prouve qu’il est engagé, éco-responsable.

Chez Innovorder, notre métier est d’accompagner la restauration. On accompagne non seulement le virage digital des restaurateurs, mais aussi leurs engagements, à notre échelle bien sûr et via les outils que l’on met en place : tablettes pour prise de commande, diminution des tickets… A titre d’exemple, un point de vente qui fait une centaine de tickets le midi représente près de 330m carrés de papier économisés par an. La commande en ligne est aussi intéressante pour la personnalisation du menu. Certains restaurateurs l’utilisent ainsi pour proposer différentes tailles de portions, ce qui limite le gâchis. Nous sommes heureux d’accompagner ce mouvement et de vous accueillir aujourd’hui autour de ces thèmes.

Interview : Yves Sassi, Club de la Franchise

Q: Que fait le Club de la Franchise aujourd’hui pour le monde de la restauration ?

J’ai créé le Club de la Franchise avec pour objectif de se faire rencontrer les réseaux de franchises dans tous les secteurs d’activités, notamment les start-ups au départ. Depuis, le Club a pris une certaine place dans cet univers. Notre métier est de faire parler les gens qui ont de l’expérience dans le monde du réseau, du commerce, de trouver des idées pour que le monde de la franchise rénove un peu son image.

O’Tacos, Bagel Corner… l’idée que je me fais du club c’est de redonner au monde de la franchise une image un petit peu “punchy”. Mon métier, c’est d’écouter puis de transmettre, de dire “j’ai pensé que”, “j’ai trouvé ça”, puis les connexions se font. L’idée du Club était de transmettre des uns aux autres.

Q: Avez-vous constaté ce virage vers l’éco-responsabilité chez les chaînes que vous accompagnez?

J’irais même plus loin : on n’a plus le choix aujourd’hui. C’est une tendance de fond. Le consommateur va choisir entre l’éco-responsable et celui qui ne l’est pas… et il va prendre celui qui est le plus proche de la planète. C’est une lame de fond, on ne peut pas se dire que l’on “verra demain” : dans la restauration et tous les métiers, il faut que nous nous adaptions.

J’ai une petite anecdote pour illustrer tout cela, celle du colibri qui, lors d’un grand incendie de forêt, fait des allers-retours avec quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. A un autre animal qui se moque de lui, le colibri répond : “je fais ma part”.

Chacun fait sa part. Ce n’est pas du militantisme commercial.

Q: Quels sont les exemples de chaînes où vous avez-vu s’opérer des virages ou transformations fortes pour répondre à ces nouvelles attentes, et parfois aller chercher un rajeunissement de la clientèle ?

O’Tacos est un exemple typique, mais aussi le groupe Bertrand avec Hippopotamus. Le virage a été pris non pas en disant “on va repeindre en rouge”, mais plutôt en réfléchissant à toutes les dimensions du concept (…). Je reviens à ma théorie, c’est que dans 2 ans ce sera un peu différent de maintenant, et ce sera un peu différent à chaque fois.

Aujourd’hui, ce n’est plus possible de dire à un franchisé que pendant les cinq années à venir, “ce sera cette règle-là, ce concept-là”. Les choses évoluent vite. Ma réponse à Justin est que le métier de restaurateur et de franchiseur est d’évoluer au fur et à mesure des envies des gens. Il y a 20 ans on disait : “l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement, le client”… aujourd’hui c’est toujours le client, mais un peu moins l’emplacement.

Table Ronde – Michael Cohen, Charles Cagnac, Guillaume Beliard

« J’espère que dans 5 ans on dira “pourquoi on faisait comme ça avant ? »  (Michael Cohen, Bagel Corner)

Q: Pouvez-vous présenter votre parcours et ce que font Bagel Corner, Père & Fish et Too Good to Go ?

Guillaume (Too Good To Go) : Too Good To Go, c’est donner à chacun l’option de faire sa petite action. On revient à l’image du colibri, en cherchant à donner un moyen à tout le monde d’y trouver son compte. C’est une plateforme pour valoriser les invendus sous la forme de paniers surprise. Nous avons commencé par les primeurs, puis nous avons pu développer l’offre auprès de supermarchés, d’enseignes variées, mais aussi auprès de la restauration commerciale et collective. Le gaspillage alimentaire aujourd’hui, c’est ⅓ de nourriture qui part à la poubelle chaque année, soit 10 millions de tonnes. en termes de valeur économique, c’est comme si on détruisait le PIB de la Suisse chaque année, 3 fois la taille du Lac Léman. C’est une aberration sociale et environnementale.

Michael (Bagel Corner) : En tant qu’utilisateur de la solution, je dois dire que c’est assez hallucinant. Bravo tout le monde ! Nous sommes vraiment contents d’être partenaires de Too Good To Go. Pour ma part, j’ai fondé Bagel Corner il y a une petite dizaine d’années. Nous nous développons sous le modèle de la licence de marque / de la franchise. Depuis un peu plus d’un an, nous sommes très portés sur le sujet de l’engagement.

Charles (Père & Fish) : Nous sommes une plus petite structure que Bagel Corner, car on n’a qu’un seul restaurant, spécialiste de la restauration rapide autour du poisson. A la base, il s’agissait d’un projet d’école de commerce, qui a essayé de reprendre les valeurs de la poissonnerie familiale de l’un des 4 amis fondateurs. Aujourd’hui, on veut se développer. On est en train d’acquérir un second restaurant en ce moment même… on se souhaite la même aventure que Bagel Corner !

Q : Que signifie pour vous l’engagement? Comment cela vous est venu ?

Charles : on l’avait en nous dès le départ, en essayant de reprendre les valeurs de la poissonnerie familiale. On ne fait que du poisson sauvage, à l’exception du saumon d’Ecosse label rouge. On met un point d’honneur à ne sélectionner que du poisson dit de pêche durable. C’était très important dès le départ, et dès le départ on l’a fait. Nous aurions pu lancer du surgelé pour casser les coûts, mais on ne l’a pas fait. Cela étant dit, on n’a pas du tout été parfaits dès le démarrage pour être honnête… on avait énormément de plastique dans les emballages, mais on a tout viré et nous sommes peu à peu passés au dur pour les contenants, les pots, ce genre de choses.

Michael : est-ce que c’était inscrit dans l’ADN dès le début? Plutôt inscrit dans mes gènes, pas ceux de mes associés. J’ai dû les convertir au fil des années. La notion d’engagement doit selon nous passer par des valeurs déjà dans la boîte pour véhiculer au sein des différents métiers. C’est un engagement tripartite, et on utilise Zei World comme outil pour publier et suivre tous les engagements que Bagel Corner prend publiquement chaque année.

Justin: chez Too Good To Go, c’était inscrit dans les gênes dès le début. Les premiers marchés portaient sur les primeurs et commerces de proximité, et aujourd’hui sur la restauration collective et commerciale. Comment cette évolution est-elle arrivée ?

Guillaume : avec la restauration rapide, cela s’est fait rapidement car il y avait des attentes sur le sujet et un conditionnement facile des denrées invendues. L’adaptation était plus compliquée pour la grande distribution. Le sujet est plus dans la capacité à convaincre les gens de changer leurs habitudes. Pour certains, le sujet est dans l’ADN, pour d’autres il faut convaincre de l’intérêt à ne pas gaspiller.

Charles, vous avez organisé une opération de nettoyage avec d’autres restaurants, peux-tu en dire un mot et parler de la genèse de ce projet?

Charles : Pour nous, pour nos clients je pense, le plastique est un sujet qui est très, très important. Nos clients nous « tâcleraient » directement si on n’y faisait pas attention. On a voulu modifier nos habitudes, nos packagings, etc., pour leur montrer aussi qu’on était engagés. On a testé en organisant une première collecte de déchets au bassin de la Villette… et je peux vous dire qu’il n’y a pas que du plastique, mais aussi 90% de mégots et des bouteilles encore remplies ! Au début, on l’a fait seulement pour nous et pas mal de nos clients. C’était une belle réussite. Pour la seconde édition, on a voulu avoir un impact plus fort et on s’est entourés de Pokawa et Pedzouille, ce qui a fait un peu plus de bruit. Il pleuvait mais ça a été une belle réussite !

Question à Bagel Corner : quel discours adoptez-vous, pour quelles actions ?

Michael : le discours est forcément complexe pour faire passer le message au franchisé, qui réfléchit de manière “business”. Forcément, changer ses packagings coûte par exemple plus cher; il faut trouver d’autres actions pour rééquilibrer la balance et permettre au franchisé d’a minima autant gagner sa vie qu’avant. Il peut s’agir d’électricité verte à prix maîtrisé, etc. Chez Bagel Corner, on est en mode “on propose, on dit qu’on a testé chez nous et les potentiels avantages”, puis le franchisé peut souscrire ou non à cette approche.

Q : quels sont obstacles et difficultés rencontrés au quotidien?

Charles : le 1er obstacle est probablement le coût pour le restaurateur. Le plastique, c’est vraiment pas cher en termes de packaging… je dirais à peu près 3 fois moins cher qu’un packaging en kraft. Après, il y a beaucoup de solutions recyclables aujourd’hui, l’amidon de maïs biodégradable… les pailles représentent 6% des déchets plastiques dans les océans, c’est énorme ! Nos clients sont hyper attentifs à ça : or l’amidon ressemble énormément à du plastique… on a dû mettre une petite étiquette pour expliquer et, malgré tout, certains clients faisaient des réflexions à la caisse.

Il y a donc 2 problématiques sur l’éco-packaging responsable : le coût d’une part, et informer le client qui en fait ne connaît rien du tout à ça. Même pour nous restaurateurs, ce n’est pas toujours facile à comprendre.

Q: Sur ce point justement Guillaume, comment convaincs-tu les restaurateurs ? Quels sont les freins ?

Guillaume : l’une des premières objections réfractaires est l’impression que cela prend beaucoup de temps. Or le temps c’est la clé. On ajoute une étape qui est de préparer un panier plutôt que de jeter : cela a été un enjeu, un challenge aussi de leur faire gagner en simplicité et en temps. Il y a aussi le fait de convaincre les partenaires d’adopter quelque chose de nouveau. Au-delà de l’action concrète de réduction du gaspillage, il y a aussi l’apport économique, l’éco responsabilité et l’impact sur l’image.

Justin : l’un des éléments différenciateurs de Too Good To Go est de faire venir le client sur le point de vente

C’est l’un des avantages qu’ils ont très bien compris. En plus de valoriser leurs denrées, ils vont aussi pouvoir avoir des consommateurs qui se déplacent et en profitent pour compléter leurs achats. Même si ce n’est pas une vente croisée directe, il y a un intérêt à rechercher à fidéliser une population responsable qui va garder l’adresse en tête et revenir.

Q : comment convaincre les restaurateurs au quotidien, notamment son réseau de franchisés ?

Michael : il faut dire qu’il n’y a plus le choix, déjà. “Stop, ça y est, on bouge”, même si ça va coûter plus cher au début. J’aime cette notion de “petit à petit”; c’est dans cet esprit qu’on a lancé le hashtag #passalaction : on n’a plus le choix, on commence même si ce n’est pas tout en même temps, on y va, on met des choses en place.

Intervention d’Yves sassi : “les changements de mentalité vont entraîner les changements de commerce”

Michael : c’est un très bon argument pour les franchisés, qui sont plus axés “business”

Guillaume : c’est pareil sur la notion de contenants qui paraissent indispensables et qui, pourtant, ne le sont pas toujours. Par exemple, de nombreux commerçants nous demandent s’ils doivent préparer un emballage spécifique pour Too Good to Go. Nous, on dit au consommateur de venir avec ses propres emballages.

Q : on parle énormément de labels aujourd’hui. Est-ce que dans vos activités, c’est un élément important ?

Michael : sur l’éco-reponsabilité, ça l’a été au niveau de la phase de recherche il y a 18 mois On a regardé tout un tas de labels, dont le “fabriqué en France” qui est important pour le packaging. Par contre, on en revient au même sujet : c’est bien beau d’avoir un label, mais le but de tout ça est de ne plus avoir de packaging. Ce n’est pas infaisable ! Si je prends l’exemple de Bagel Corner, tu as le sac, le gobelet pour la boisson, les couverts… tout ça peut se traiter. On commercialise des couverts en inox brandés Bagel Corner; le but n’est pas de faire de l’argent en plus, mais d’inciter les clients à les ramener de chez eux. J’espère que dans 5 ans on dira “pourquoi on faisait comme ça avant ? Pourquoi on ne l’a pas fait avant?”. Notre discours réseau et client penche vers ça.

Charles : sur la question des labels, au début on y prêtait particulièrement attention. Pour la pêche, il y a différents labels, MSC par exemple. Au fil du temps, on s’est aperçu que la filière était très complexe, parfois corrompue, et qu’il valait mieux connaître son fournisseur de poisson. Nous avons fait le choix de passer par des fournisseurs plus proches, comme des groupements de pêcheurs bretons, qui nous permettent de savoir comment sont pêchés les poissons et nous offrent une traçabilité à laquelle on prête particulièrement attention.

Un grand merci à tous les participants, ainsi qu’à nos partenaires sur cet événement : Le chocolat des Français, Chiche! et le Coq Toqué !

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